L’authenticité d’un plat emblématique dans l’univers gastronomique : le ballet gustatif de la grenouille et de la carpe

Sur la partition gourmande de la carte automnale du restaurant Paul Bocuse figure un plat emblématique des saveurs authentiques, tout en simplicité, si chères à Monsieur Paul. Un plat élaboré par le chef MOF Olivier Couvin, qui allie, dans une subtile alchimie, des grenouilles françaises de Pierrelatte, originaires de l’élevage de Patrice François et des carpes des étangs de la Dombes.

L’art du service

Une alliance évidente pour le chef : « La carpe incarne les étangs de la Dombes, c’est un clin d’œil à Monsieur Paul. Les grenouilles appartiennent au patrimoine culinaire français. » Travailler ensemble d’une manière gastronomique un poisson considéré comme peu noble et ce produit simple qu’est la grenouille, tel a été le challenge relevé par Olivier Couvin pour élaborer ce nouveau plat. « Les grenouilles sont travaillées en jambonnettes, poêlées meunière avec une persillade et accompagnées d’une soupe de grenouilles au cresson. Ce plat offre un côté ludique. Les clients peuvent manger à la main, prendre les jambonnettes pour les tremper dans la sauce. »

Un plat, qui au moment du service fait l’objet de tout un rituel mis en œuvre par les maîtres d’hôtel devant les clients afin d’expliquer la manière de déguster les grenouilles. « La sauce est servie à part, ce qui donne un rendu vert très esthétique au fond de l’assiette blanche ». Plus qu’un plat, c’est tout un spectacle visuel auquel les clients assistent avant la découverte gustative.

Un éventail de textures en bouche

Quant à la carpe, elle se mue en une mousseline aérienne fumée. « Nous fumons nous-même la carpe. La mousseline apporte un côté moelleux et une touche d’acidité pour contrer le côté un peu gras des grenouilles poêlées ». La mousseline se pare d’une viennoise de pain brioché avec du persil plat et de l’ail, pour une touche croquante. Un plat qui offre une diversité de textures en bouche pour l’éveil des sens. « Ce plat offre de la mâche, du fondant, du croustillant, du fumé, une pointe d’acidité. L’essayer, c’est l’adopter. Ce plat est très apprécié des clients, car il fait ressurgir des souvenirs », affirme le chef MOF.

Un plat de partage et de convivialité, à l’instar des plats de tradition emblématiques de la maison Bocuse. « Le challenge, c’est de remettre des recettes d’autrefois connues de tous dans l’univers gastronomique, sans dénaturer les produits, par respect pour Monsieur Paul. Nous prenons beaucoup de tact à chaque fois que l’on touche à un plat de tradition française. Je crois que Monsieur Paul aurait adoré ce plat ! » La tradition dans la modernité, qui passe par la sublimation de produits simples grâce au savoir-faire des chefs !

Des grenouilles made in France

Le produit, justement, c’est le secret de la recette ! Derrière les grenouilles, se profile également un autre savoir-faire, celui du raniculteur Patrice François, dont l’élevage « Grenouille de France » se situe à Pierrelatte dans la Drôme.  « Lorsque nous avons reçu ses grenouilles, nous les avons juste trouvées incroyables », commente Olivier Couvin.  Pionnier dans l’élevage de la grenouille, poissonnier de profession, Patrice François bichonne ses grenouilles depuis 2010 pour régaler les fins gourmets grâce à un produit frais et de qualité. Mais pour monter ce projet d’élevage et obtenir l’autorisation de commercialiser ces grenouilles, dix années ont été nécessaires.  C’est en 1999 qu’il se lance dans l’aventure. « Je suis rentré en contact avec André Neveu, un chercheur de l’INRA de Rennes qui avait réussi à domestiquer une race de grenouilles sauvages des marais de Rennes en la nourrissant d’aliments inertes destinés aux poissons d’élevage. Il est parvenu à créer une souche nommée Rivan 92 ».

Ce sont 2500 mâles géniteurs de cette souche que le raniculteur passionné a alors racheté à l’INRA pour débuter son élevage qui compte aujourd’hui 50000 amphibiens. « Toutes nos grenouilles naissent sur place, et grandissent sous 2500 mètres carrés de serre sous lesquels nous maintenons une température de 18-20 degrés. La grenouille étant fragile et craignant les températures froides, nous avons monté un second site en Normandie, plutôt dédié à la reproduction. Sur le site de Pierrelatte, nous gérons le grossissement et la transformation. Je ne vends pas de grenouilles vivantes », explique le raniculteur. Après avoir anesthésié les grenouilles pendant 3-4 heures au froid, l’abattage s’effectue à la main, en fonction du poids et des demandes des restaurateurs.

« Certains préfèrent les grosses pièces, d’autres les plus petites.  Lorsque le restaurant Bocuse, m’a contacté, j’ai été ravi. C’est un bonheur et un honneur pour moi de collaborer avec les équipes ». Une collaboration qui a de la cuisse pour un plat d’exception !