De l’apprenti au chef Pierre Orsi : l’excellence bocusienne en héritage.

Sa vocation de cuisinier, Pierre Orsi la doit à Paul Bocuse, « son mentor », comme il se plaît à l’appeler. Une révélation au cours de sa deuxième année d’apprentissage à Collonges-au-Mont-d’Or grâce à la présence midi et soir de Monsieur Paul. « Un maître d’apprentissage, c’est un second père. » Une complicité et une amitié nouées au fil des années entre les deux hommes. Ce parcours, Pierre Orsi le relate dans son ouvrage qui vient de paraître aux éditions Avvae. Une vie de cuisinier jalonnée d’étapes, parmi lesquelles figurent les années Bocuse.

Un apprentissage rigoureux

« A 16 ans,  mon père m’a placé chez Monsieur Paul. J’étais mauvais élève, nous habitions à 10 kilomètres à Poleymieux au-Mont-d’Or  et il ne m’a pas demandé mon avis. ». L’aventure Bocuse débute alors en septembre 1956. Pierre Orsi ne sait encore pas que ses deux années vont marquer un tournant dans sa vie. « J’étais plutôt dégourdi en salle car j’aidais mes parents. J’étais habitué à manier les plateaux, laver les verres…  mais la cuisine ne m’intéressait pas ».  Auprès de son maître d’apprentissage, le jeune Pierre Orsi acquiert peu à peu de l’expérience. « J’ai aimé la cuisine grâce à l’image incarnée par Paul Bocuse, avec sa toque, son tablier, son tour de cou,  son élégance, sa gestuelle, sa dextérité, sa grâce. »

« Nous étions 4 apprentis dont Roger Jaloux et Jacky Marguin. Tout le monde participait à la vie de l’auberge. Raymonde Bocuse assurait le service et supervisait la bonne marche des affaires ». Au sein de cette maison familiale, Pierre Orsi se souvient des nappes en papier, des WC à la turc, des plaques à rôtir et des cuivres.

De sa première rencontre avec Paul Bocuse, Pierre Orsi se rappelle de son regard perçant de chasseur : « On le craignait, il nous terrorisait. Il avait un sixième sens infaillible. Lorsqu’il revenait du marché, il savait immédiatement si nous avions fait des bêtises. Et Dieu sait que nous en faisions ! »

L’art du geste précis

Les valeurs inculquées par monsieur Paul ? La droiture, l’honnêteté, la propreté, l’ordre. « Il nous faisait récurer les cuisines à 3 heures du matin. On passait les planches en bois des étagères à la javel, on frottait les carrelages. On pouvait se retrouver de garde parce que le frigo était mal rangé ! Tout devait être à sa place et aligné au cordeau »

Aux fourneaux, pas une seconde à perdre : «  canards, lièvres, grenouilles, tout arrivait brut. Il nous a transmis les bonnes manières de procéder. Il possédait une gestuelle magnifique pour vider la volaille comme un menuisier manie l’art du bois. Dans une betterave, il était capable de tailler une rose ». L’esthétisme allié au charisme.

Une exigence qui a permis à Pierre Orsi d’acquérir rigueur, savoir-faire  et  précision dans le métier : le sens de l’assaisonnement, le degré de cuisson, les odeurs, autant d’ingrédients de la culture bocusienne. « Un jour où j’avais raté ma mayonnaise au cours d’un service, il m’a renversé la jarre sur la tête ! Il était très maniaque et perfectionniste, mais c’était un monstre de gentillesse et d’humour, avec une répartie foudroyante ».  

Cette culture, Pierre Orsi la fait perdurer au sein de son restaurant éponyme,  place Kléber à Lyon, promesse d’un rendez-vous avec l’excellence, où le « disciple » de Paul Bocuse comme il le dit lui-même poursuit la tradition de son « maître » : « Nous continuons à réaliser des tuiles aux amandes, et nous faisons la même pâte à brioche que celle de chez Bocuse », souligne ce dernier. Une culture déclinée également à travers le relationnel avec les clients. « L’accueil, le sourire, les petites attentions, les conseils sont essentiels. C’est un métier plein de finesse et de subtilités ». Une aisance que Paul Bocuse avait déjà remarquée. « J’étais le seul de la brigade à être envoyé en salle »

Donner l’exemple

Si Monsieur Paul n’est plus, l’esprit de la cuisine française est bel et bien présent au restaurant Paul Bocuse. « Les chefs assurent la relève et perpétuent un répertoire unique. Vincent Le Roux, c’est l’ADN, le bon goût et le bon sens de la maison ». Sur cette palette unique, Pierre Orsi avoue son petit péché mignon : « Je sais toujours ce que je veux manger. J’apprécie le filet de sole et la cassolette de homard »

Dans son restaurant, à l’instar de son mentor, Pierre Orsi œuvre également à la formation et la transmission des savoir-faire et savoir-être auprès des jeunes. « Il faut être à leurs côtés pour donner l’exemple tant au niveau de la présentation que des gestes. Il faut leur montrer l’ADN de votre personnalité. Mais il y une belle jeunesse, une jeunesse brillante même », conclut Pierre Orsi.