« Restaurant gastronomique cherche chef de rang, anglais impératif ». Près de 45 ans plus tard, Jean-Philippe Merlin n’a pas oublié le texte exact de l’annonce qui a donné à sa vie un cours décisif. Ni l’immense surprise qui l’a saisi lorsqu’au téléphone l’a accueilli un « restaurant Paul Bocuse, bonjour ! ». Depuis sa première rencontre avec Raymonde Bocuse où s’est décidée son entrée dans la Maison, le temps a filé si vite qu’il lui semble que vingt ans à peine se sont écoulés. C’est pourtant plus du double que Jean-Philippe Merlin aura passé entre les murs de ce restaurant où il a cumulé trois records : plus jeune chef de rang, (à 19 ans et dix mois), puis le plus jeune maître d’hôtel (à 25 ans) et, enfin, être le plus ancien à occuper son poste actuel.
L’heure est aujourd’hui au départ, puisque l’âge de la retraite est arrivé pour le directeur de salle. Dernier service le dimanche 2 février au soir, qui affiche complet, avec les fidèles venus lui dire au revoir. Son « fan club », comme l’appelle Jean-Philippe, se compose de clients de tous horizons, qui viennent ici depuis 10, 20, 30 ans… et se succèdent durant ces semaines de janvier. Beaucoup d’émotion accompagne bien sûr ces instants, mais aucune tristesse, encore moins de regrets. Ne restent que les beaux souvenirs : bien sûr, la présence de Monsieur Paul, qui savait si bien accompagner, voire aider son équipage ; les journées qui débutaient toujours par le café matinal avec « le patron » ; des célébrités croisées ici et là, comme Paul McCartney rencontré d’abord en Angleterre où Jean-Philippe Merlin est parti quelque temps après avoir fait ses premières armes chez Point, puis revenu régulièrement au restaurant ; un chiffre étonnant : 40 000 poulets découpés tout au long d’une carrière exigeante dédiée à l’accueil et au service les plus parfaits.
Sans oublier un vrai sujet de fierté : « Je laisse une belle équipe en salle, confie-t-il, qui est le fruit d’un travail de plusieurs années. Celui qui prendra ma suite aura un bel outil de travail à sa disposition. »
Si Jean-Philippe Merlin ne réalise pas encore comment se passera sa vie à partir du 3 février, il sait déjà ce qui va la remplir : des cours donnés dans des lycées hôteliers – la transmission est une valeur essentielle qu’il a toujours mise en pratique, une activité de conseil qu’il développe pour les professionnels, son jardin à cultiver au fil des saisons, les joies du 4×4 associées à la découverte d’horizons dépaysants, du soleil – cette fois-ci sans compter son temps – dans son refuge au bord de la Méditerranée… Là encore, le temps va passer vite !